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Qu'est-ce qui a changé avec les droits de douane aux États-Unis ?

MoraBanc 2025-05-20

Le mois d'avril a été marqué par l'annonce des droits de douane imposés par les États-Unis à leurs partenaires commerciaux et par leur impact sur les marchés boursiers. Le 2 avril 2025, le président américain Donald Trump a annoncé l'imposition d'un droit de douane général de 10 % sur toutes les importations mondiales, à quelques exceptions près. Quelques jours plus tard, il a ajouté de nouvelles mesures tarifaires spécifiques par pays, basées sur le déficit commercial bilatéral avec les États-Unis, ce qui a constitué le virage le plus agressif en matière de commerce international depuis la Grande Dépression.

Cette annonce a déclenché une forte réaction des marchés financiers, avec des ventes généralisées et une recrudescence de la volatilité, face à la crainte que ces mesures provoquent un ralentissement économique combiné à une hausse des prix. Face aux critiques et à l'instabilité générée, Trump a partiellement rectifié le tir et décrété une pause de 90 jours dans l'application des « droits de douane réciproques », tout en maintenant le droit de douane universel de 10 %. Pendant la période d'exemption, les États-Unis ont entamé des discussions avec d'autres pays dans le but de négocier des accords commerciaux bilatéraux et, dans certains cas, les ont déjà conclus, ce qui a permis aux marchés boursiers de récupérer leurs pertes.

Les risques de ralentissement de la croissance américaine ont augmenté

Les droits de douane annoncés le 2 avril 2025 ont porté le taux effectif des droits de douane à 21,5 %.

➩ Nous espérons que certains de ces droits de douane relèvent d'une stratégie de négociation et seront partiellement supprimés (certains pays, dont le Royaume-Uni et la Chine, ont déjà réussi à les négocier à la baisse).

➩ Nous prévoyons que certains produits actuellement exemptés, tels que les semi-conducteurs, les produits pharmaceutiques ou le cuir, finiront par être taxés dans les prochains mois.

Cela porterait le taux effectif final à environ 17,5 %, ce qui représenterait une augmentation de 15 %, proche du scénario le plus défavorable.

L’impact sur la croissance sera significativement négatif et fera passer la croissance du PIB réel sous la barre de 1 %.

Source : Goldman Sachs

En termes d'impact sur la croissance, on estime une baisse de 0,11 % à 0,12 % du PIB pour chaque point supplémentaire de droits de douane. Combiné à d'autres mesures négatives pour la croissance, telles que les politiques DOGE et migratoires plus restrictives, cela nous amène à revoir à la baisse les prévisions de croissance du PIB réel des États-Unis pour cette année à 0,50 %. L'effet maximal de ces politiques sur la croissance devrait se faire sentir au quatrième trimestre 2025.

Implications pour l'inflation et la politique monétaire

États-Unis

L'augmentation des droits de douane aurait un effet inflationniste de 1,5 point sur l'inflation sous-jacente, qui pourrait clôturer l'année entre 3,5 % et 4 %, contre 2,5 % auparavant.

L'impact sur l'inflation sera plus concentré au début, avec une augmentation des prix dans les 2 à 3 mois suivant la mise en œuvre. Le principal risque provient des effets de second tour, qui menacent de déstabiliser les attentes à moyen terme.

Des enquêtes telles que celle de l'Université du Michigan montrent des attentes inflationnistes de 6,5 % à un an et entre 3,5 % et 4 % à cinq ans, des niveaux préoccupants pour la Fed. Même si le marché ne reflète pas encore ce risque, la Fed pourrait devoir retarder ou limiter ses baisses. Nous envisageons encore 2 à 3 baisses, mais si une récession se concrétise, la Fed pourrait réduire ses taux jusqu'à 200 points de base.

Europe

En Europe, l'impact tarifaire serait plus modéré et éventuellement désinflationniste, en raison de la réorientation du commerce depuis les États-Unis.

La BCE pourrait continuer à baisser ses taux jusqu'à atteindre 1,5 %-1,75 %.

Marché du travail et scénarios possibles de récession

Le marché du travail nord-américain reste solide, avec un taux de chômage de 4,2 % et la création de 150 000 emplois par mois.

Il n'y a pas de signes évidents de licenciements massifs ni de forte baisse des embauches.

Scénarios possibles

Si la croissance s'affaiblit, le taux de chômage pourrait atteindre 4,7 %, ce qui serait gérable. Des dépassements de ce seuil justifieraient toutefois des mesures plus agressives de la part de la Fed.

Les offres d'emploi et le taux de démission semblent se stabiliser.

Source : Goldman Sachs

Impact sur la Chine

L'impact des droits de douane sur la Chine serait une baisse comprise entre 1,5 et 2 points de pourcentage, ce qui situerait sa croissance prévue à 4 % cette année et à 3,5 % pour 2026.

Il n'est pas viable de maintenir des droits de douane aussi élevés, car cela paralyserait le commerce entre les deux principales économies mondiales. Pour l'instant, les deux parties ont négocié une réduction des droits de douane pendant 90 jours :

  • Les importations chinoises seront désormais taxées à 30 % (contre 145 %).
  • Les importations nord-américaines, 10 % (contre 125 %).

Les autorités chinoises utiliseront les politiques fiscales et monétaires pour stimuler la demande intérieure, face aux risques de baisse de la demande extérieure.